Galères sur l'Yonne

Première rencontre avec Eric Marion. Nos échanges épistolaires réguliers se concrétisent enfin. J'avais découvert sa passion pour la randonnée en kayak grâce à son site.

Nous devrions nous entendre, le kayak est pour nous un prétexte pour voyager autrement, loin du tumulte et de l'agitation humaine. Un voyage lent, rythmé par les imprévus, rencontres, galères, difficultés, mais surtout bonheurs simples, authentiques, sincères et riches. S'arrêter pour observer une libellule, marauder quelques groseilles, casser la croûte au milieu des troupeaux, rencontrer des gens "ordinaires" mais souvent exceptionnels, découvrir des lieux insolites oubliés, goûter aux spécialités locales, dormir à la belle étoile après avoir fait griller un magret et passé la soirée à refaire le monde autour d'un feu en sirotant un petit nectar local... Le voyage en kayak nous remet à notre juste place dans la nature que certains pensent maîtriser, mais sur une rivière, l'humilité est de rigueur, le risque omniprésent nous impose des choix, petite coque de noix au milieu de flots inconnus nous devons composer avec les éléments. Dans un monde où tout doit être planifié, monétisé, organisé, la rivière nous offre encore un espace d'aventures riche en découvertes et rencontres.

Je tiens mon blog sur le vif, chaque soir, pour donner des nouvelles et rassurer les proches. Si vous souhaitez lire un récit plus approfondi, je vous conseille le blog d'Eric Marion sur notre descente :

Après avoir annulé la descente de l'Allier et celle de la Meuse à cause des crues, nous avons repoussé notre départ sur l'Yonne à deux reprises. Cela  a donné l'occasion d'aller à la fête de la musique à Besançon.

Samedi 22 juin, je pars retrouver Eric au lac de Pannecière, dans le Morvan. La décrue est amorcée, espérons que l'Yonne sera navigable...

Nous sommes installés dans un camping, une vingtaine de kilomètres après le barrage de Pannecière. L'Yonne est assez haute, beaucoup de courant, de barrages, d'arbres en travers de la rivière. Difficile de trouver le bon passage, de nombreux bras menant à des barrages, des chutes...

Finalement, demain nous descendrons la première partie depuis le barrage avec les kayaks vides et reviendrons au camping demain soir. Nous partirons d'ici lundi matin avec les kayaks chargés.

Nous avons mangé au restaurant du camping, nous étions les seuls clients. Sonja et Bernhard nous ont préparé une délicieuse tartiflette à l'époisses.  ( Camping sur Yonne à Epiry  )

A bientôt pour la suite.

Dimanche : Descente inhabituelle pour moi puisque nous avons mis toute une journée pour parcourir 10 km. La rivière était tellement encombrée que nous avons dû sortir une vingtaine de fois pour passer des barrages d'arbres et de branchages, des seuils... La rivière est toujours en crue. J'ai réussi à me retourner deux fois. Journée fatigante car nous avons passé pas mal de temps dans l'eau glacée à tirer, pousser, porter nos kayaks. Passages dans les ronces, les barbelés, la boue.

Mais pour tout vous dire, nous avons fait une pause au niveau de l'acqueduc de Montreuillon sur lequel passe l'extraordinaire rigole d'Yonne. Eric en a profité pour essayer son nouveau drone. Petite pause à midi au soleil, Eric a même reussi à m'apporter un café dans un village où il n'y a aucun bistrot !

Séance d'Urbex dans une usine désaffectée, longue discussion avec Patrick qui remet en état le moulin de son père ( travail titanesque, il vient de restaurer complètement la turbine qui doit lui fournir de l'électricité).

En arrivant au camping, Sonja s'est précipitée à notre rencontre. Très inquiète de ne pas nous voir arriver, elle était sur le point d'appeler la police !

Une fois la bouteille de Jura terminée, Audrey, notre voisine bouddhiste du camping nous a invités à partager son repas : magret aux girolles.

Lundi 24 juin Saint Jean

Aujourd'hui, journée encore plus galère qu'hier, ce n'est plus un plaisir !!!!

Nous n'avons parcouru que 8km passant la journée à tirer, porter les kayaks dans les ronces, les orties, au-dessus des troncs d'arbres morts. Une bonne partie dans l'eau très fraîche.

Un moment délicat, en amont de Marcilly, arrêt d'urgence juste avant une chute d'1,50 m. Quelques mètres après la chute, la rivière tourne à 90° avec un courant très fort. Impossible de trouver un échappatoire, de chaque côté de la rivière, ce ne sont que ronces, boue, arbres en travers ...

Nous mettons 1h30 pour contourner l'obstacle, mais à peine repartis nous tombons en pleine courbe sur un nouvel arbre en travers....

Petite anecdote incroyable. Éric  a perdu une pagaie..... qu'il a retrouvée 30 minutes plus tard dans un barrage.

Il a également perdu son bidon contenant ses papiers, son téléphone, son portefeuille, sa clé de voiture....

Il l'a retrouvé 1h plus tard!!!

En revanche il a perdu sa grille, on n'a donc pas pu faire griller notre magret ce soir.

C'était très improbable, mais Eric retrouve d'abord sa pagaie puis son bidon avec tous ses papiers !

Ce soir, nous approchons de Corbigny, nous sommes aux barrages qui permettent de rejoindre le canal du Nivernai.

Pour la St Jean, Eric m'a allumé un feu !

Mardi 25 juin :

Ce matin, je décide d'arrêter à Corbigny, la descente étant vraiment trop galère, je ne prends aucun plaisir. Eric hésite, il pense continuer 1 jour ou 2. En m'arrêtant, je renonce au magret, la decision est très difficile, mais je ne changerai pas d'avis !

Nous embarquons donc pour un trajet de 3km.

Nous franchissons le barrage et sommes arrêtés par un premier arbre qui barre la rivière. Les berges étant complètement encombrées de ronces et arbres enchevêtrés, nous nous baignons pour faire passer les kayaks à la corde sous le tronc.

Opération longue et délicate car il est difficile de résister au courant. Malgré la chaleur, nous avons bien fait de nous couvrir en prévision de ce bain prolongé ! La combinaison est très pratique pour traverser les ronces !

Après bien des difficultés, nous parvenons à faire passer les bateaux. Nous examinons alors l'arbre suivant qui barre complètement la rivière. Aucune possibilité de franchir l'obstacle, les berges étant un enchevêtrement de branches et ronces.

Malgré sa pugnacité, sa ténacité, sa volonté et son courage, Eric décide lui aussi d'abandonner !

Par chance, nous pouvons nous frayer un passage pour quitter la rivière et rejoindre un champ récemment fauché.

Après avoir péniblement hissé les kayaks sur la berge, nous plaçons les chariots et ... retournons à notre point de départ !!

1h30 après notre départ, nous voilà revenus ... à notre point de départ.

Nous allons maintenant rejoindre le canal du Nivernais et naviguer jusqu'à Corbigny.  L'embarquement est simple car nous utilisons les pontons du port de plaisance, la sortie sera plus compliquée car les berges sont hautes et pentues ( et nos kayaks chargés très lourds, nous n'avons pas eu le temps de boire tous nos stocks)

Après avoir réussi à extraire nos kayaks chargés du canal, j'ai fait du stop pour aller récupérer ma voiture, une charmante dame a eu pitié de moi et m'a pris à son bord.

Déjeuner sur l'herbe

Découverte de l'échelle de 16 écluses depuis le bistrot dit "de l'indien".

La route devant le bistrot est recouverte de tapis, "l'indien" a apporté sa touche très originale à l'aménagement du lieu.

Nous récupérons la voiture d'Eric au camping. Sonja et Bernhard sont soulagés de nous savoir vivants.

Petit arrêt à la brocante Le Bouc installée dans une ancienne église.

A Clamecy a été érigée une statue d'Alain Colas, enfant du pays. En face de lui se trouve un radelier qui au péril de sa vie transportait du bois flotté. Deux aventuriers !

Soirée chez Eric à refaire le monde et déguster enfin le magret acheté il y a deux jours ( arrosé d'un bon bourgogne)

Mercredi matin, découverte de la maison où se situe l'action du film " Comme un avion". C'est Eric qui a effectué les repérages en canoë pour le film.

Il n'y a plus les petits post-its d'Agnès Jaoui ! Je suis très déçu.

Quelques photos aériennes prises avec le drone :

Je ne sais pas si on peut dire que nous avons descendu l'Yonne en kayak. Nous avons plutôt trainé nos kayaks dans la boue, les broussailles, au milieu des branches d'arbres enchevêtrées, passé une grande partie des journées dans l'eau à essayer de nous frayer un passage sans être emportés par le courant. Les passages d'obstacles nous ont amusés au début, puis de moins en moins... Les quelques moments de navigation étaient agréables dans cette très belle vallée, mais nous n'en profitions pas pleinement, inquiets en pensant au barrage ou rapide suivant qui allait certainement nous surprendre dans la prochaine courbe.

Est-ce un échec ? Je ne le pense pas car poursuivre était absolument impossible, surtout avec des kayaks chargés de 4 et 5m de long !

Nous ramenons de bons souvenirs, l'apéro sur l'aqueduc de Montreuillon ; la rencontre avec Sonja et Bernhard, extrêmement inquiets pour nous ; Patrick qui entreprend un travail titanesque pour restaurer, tout seul, le moulin de ses aïeux, son chien Diego, assez intimidant mais finalement très gentil ; Céleste, le berger blanc suisse qui ne nous quittait pas ; la dame qui m'a pris en stop et qui se démenait pour faire barrage au RN ; le bistrot de "l'Indien" ; Christine et sa brocante atypique, véritable caverne d'Ali baba dans une ancienne chapelle à Asnois... Et je suis très heureux d'avoir découvert à côté de chez Eric, la maison où se situe l'action principale du film "Comme un avion".

Eric, je compte bien que nous repartions tous les deux naviguer sur un cours d'eau  moins semé d'embûches!